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l’aigle et le girouette

Les deux Le Tellier ne voulurent confier à personne le soin de dépiécer la lanterne et de remballer miroirs et lentilles. Ils apportèrent à cette manutention tant d’égards et d’inhabitude, qu’ils se virent obligés de terminer l’ouvrage après souper. L’affaire de la veille leur avait enseigné à ne plus remettre au lendemain ce qu’on peut faire le jour même. Ils remontèrent donc au grenier de la tour avec une lampe, et s’attelèrent à la besogne, — muets et l’air préoccupé, car Robert Collin n’était pas de retour.

Ils travaillèrent quelque temps de la sorte, sans rien dire, écoutant si quelqu’un ne montait pas l’escalier en criant « Me voilà ! » — Mais le froissement du papier d’emballage emplissait à lui seul tout le crépuscule, et, par intermittences, au-dessus d’eux, grinçait la haute girouette…

Enfin quelqu’un monta l’escalier.

— « Me voilà ! » dit Robert.

— « Ah ! mon ami, vous nous avez bien inquiétés ! » s’écria le père.

— « D’où diable venez-vous ? » s’enquit le fils.

— « Du sommet du Colombier. »

Maxime inspecta le secrétaire, et persifla :

— « Vous êtes joliment propre pour un homme qui vient de la montagne ! Quel garçon soigneux ! Le voilà tiré à quatre épingles comme ce matin, avec sa redingote brossée, ses bottines reluisantes… »

— « C’était une grave imprudence », maugréa M. Le Tellier. Vous savez pourtant que l’endroit est dangereux ! »

— « Je ne crains rien », fit Robert en essuyant ses lunettes d’or d’un petit geste quiet. « Je crois avoir trouvé un préservatif contre les… Sarvants… Non, non : ne me demandez rien. Vous confier mon procédé serait vous mettre sur la voie de mes hypothèses… et je vous supplie de me faire crédit. Au surplus, j’ai à vous entretenir d’un fait… dont je viens d’être spectateur… Je désirerais votre avis à ce propos… Il ne faudra pas vous fâcher si, aujourd’hui, je me borne à vous révéler ce fait, sans dire