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le docteur lerne, sous-dieu

de cuivre !… Le carburateur respire ; c’est un poumon ; au lieu de combiner l’air avec le sang, il le mélange aux vapeurs de l’essence, voilà tout !… Ce capot ressemble au thorax où la vie bat en cadence… Nos articulations jouent dans la synovie de même que ces rotules dans l’huile… À l’abri de la peau résistante du carter, voici des réservoirs, estomacs qui s’affament et se rassasient… Voici, phosphorescents comme ceux des félins, mais encore privés de la vue, voici des yeux : les phares ; une voix : la sirène ; un pot d’échappement dont la comparaison t’offusquerait, Nicolas… Enfin il ne manque à ta voiture qu’un cerveau, dont le tien fait parfois l’office, pour devenir une grande bête sourde, aveugle, insensible et stérile, sans goût et sans odorat.

— Un véritable musée d’infirmités ! lançai-je en éclatant de rire.

— Hum ! repartit Lerne, l’automobile, par ailleurs, est mieux loti que nous. Songe à cette eau qui le refroidit : quel remède contre la fièvre !… Et ce qu’un tel engin peut durer, s’il est mené sagement ! car il est raccommodable sans limite… on peut toujours le guérir ; ne viens-tu pas de rendre la parole à son gosier ? Tu lui remplacerais l’œil aussi facilement…

Le professeur s’emballait :

« C’est un corps puissant et redoutable ! s’écria-t-il, mais un corps qui se laisse revêtir, une armure dont l’habitant se trouve amplifié au-delà de toute espérance,