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le docteur lerne, sous-dieu

— Qui donc ? s’écria l’autre. — Et, dans la fente de l’huis à peine entr’ouvert, il apparut.

C’était bien mon oncle Lerne. Mais la vie, curieusement, l’avait touché, mûri, jusqu’à faire de lui cet individu farouche et mal soigné, dont les cheveux gris et trop longs encrassaient la défroque, flétri d’une vieillesse prématurée, et qui me fixait en ennemi, les sourcils froncés sur les yeux méchants.

— Que voulez-vous ? me demanda-t-il rudement. Il prononçait : que foulez-fous.

J’eus un instant d’hésitation. C’est qu’il n’était plus guère comparable au visage d’une vieille bonne femme, ce masque de Sioux, glabre et cruel, et j’éprouvais à sa vue cette sensation contradictoire que je le reconnaissais et qu’il était pourtant méconnaissable.

— Mais, mon oncle, bredouillai-je à la fin, c’est moi… je viens vous voir… suivant votre permission. Je vous ai écrit : seulement, ma lettre… la voici… nous arrivons ensemble. Excusez mon étourderie…

— Ah ! bien. Il fallait le dire. C’est moi qui vous demande pardon, mon cher neveu !

Revirement subit. Lerne s’empressait, rougissant, confus, presque servile. Cet embarras, déplacé à mon égard, me choqua.

— Ha ! ha ! vous êtes venu avec une voiture mécanique, ajouta-t-il. Hum ! il y a lieu de la rentrer, n’est-ce pas ?