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le docteur lerne, sous-dieu

rumeur indécise s’éleva du côté de Fonval : un bœuf mugit, quelque chose comme le hurlement d’un chien pleura longuement… Ce fut tout ; le calme se rendormit.

Plusieurs minutes s’écoulèrent, et j’entendis une chouette tutuber entre le château et moi ; une autre, moins éloignée, s’enleva ; puis d’autres s’enfuirent de proche en proche. On eût dit que le passage d’un être quelconque les effarait.

En effet, un léger bruit de pas, — le trot répété d’un quadrupède, — naquit et se rapprocha, frappant le sol du chemin. J’écoutai quelque temps la bête aller et venir à travers le dédale, s’y fourvoyant peut-être aussi ; et tout à coup elle surgit devant mes yeux.

À sa grande ramure éployée, la fierté de son col et la finesse de ses oreilles, on ne pouvait se méprendre : c’était un cerf dix cors. Mais à peine l’avais-je pensé qu’il me découvrit et s’esquiva dans une prompte volte-face. Alors — s’était-il ramassé pour bondir ? — son corps me sembla curieusement bas et chétif, et — fut-ce un reflet ? — me fit la mine d’être blanc. L’animal disparut en un clin d’œil et son galop menu s’éloigna rapidement.

Avais-je pris d’abord une chèvre pour un cerf, ou bien ensuite un cerf pour une chèvre ?… Il faut l’avouer : ceci m’intrigua violemment ; à ce point que je me demandai si je n’allais pas retrouver à Fonval cette âme enfantine que j’y avais laissée. Mais un peu de réflexion me fit sentir que la faim, la fatigue et le som-