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le docteur lerne, sous-dieu

À l’instant de sa prétendue mort, Klotz-Lerne s’était sans doute livré sur la voiture à une expérience rappelant celle du peuplier ; mais, distrait depuis quelques semaines, peut-être, mortelle inconséquence ! n’avait-il pas prévu que son âme allait glisser tout entière dans ce récipient vide, et que, le pédicule rompu, sa forme humaine ne serait plus qu’un cadavre où les lois de sa découverte lui interdisaient de rentrer…

Ou bien, lassé de poursuivre la fortune insaisissable, Klotz-Lerne avait-il agi volontairement, et commis une espèce de suicide en échangeant la substance de mon oncle contre celle d’une machine ?…

Mais pourquoi n’aurait-il pas voulu, tout bonnement, devenir la bête nouvelle, prédite par lui dans une conjecture excentrique, l’animal de l’avenir, chef de la création, que le remplacement de ses organes devait faire immortel et perfectible à l’infini — d’après sa lunatique prophétie ?

Encore une fois, quelque judicieuse que fût cette discussion intérieure, je ne voulais pas en accepter les suites. Une ressemblance d’allure entre l’automobile et le professeur, une hallucination probable de l’ouïe et le grippage possible d’un levier ne pouvaient suffire à prouver cette énormité. Mon angoisse désirait un gage plus décisif.

Elle le posséda sans retard.

Nous arrivions à la lisière de la forêt, à cette limite où le défunt maniaque bornait sans rémission nos pro-