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le docteur lerne, sous-dieu

malles d’Emma. Un matin, maître Pallud, le notaire de Grey, eut avec moi une dernière entrevue au sujet de la vente des biens. — Emma ne tenait plus en place. — Nous fixâmes au soir même le départ en automobile, projetant de coucher à Nanthel pour être à Paris le lendemain.

Et l’heure vint de me séparer de Fonval à jamais.

Je parcourus le château sans meubles et le parc sans frondaisons. Il paraissait que l’automne les eût dénudés tous les deux à la fois.

Par les pièces abandonnées, les vieux parfums rôdaient encore, chargés d’évocations et de mélancolie. Ah ! ce que les moisis et les renfermés ont parfois de charme !… — On voyait aux murailles la silhouette tenace des tableaux ou des miroirs décrochés, des bahuts ou des chiffonniers partis : endroits restés tout neufs dans le papier fané, ombres des choses magiquement léguées par elles au mur familier, taches vives, destinées à pâlir aussi, dorénavant, — tel le souvenir des absents. — D’être vides, certaines chambres semblaient rétrécies, et certaines autres plus vastes, sans raison manifeste. Je revis la demeure, des combles aux souterrains ; à la clarté d’une lucarne, aux lueurs d’un soupirail, j’explorai la mansarde et le caveau. Et je ne me lassais pas d’errer à travers ce décor de ma jeunesse, comme un vivant qui hanterait un lieu-fantôme… Ah ! ma jeunesse ! Elle seule habitait Fonval, je le sentais. Malgré leur importance, les drames ré-