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le docteur lerne, sous-dieu

redingote noire assez mal coupée, dans laquelle je l’avais vu pour la dernière fois, — quand je partis pour l’Espagne. Étant riche et me voulant comme lui, mon oncle m’y envoyait trafiquer du liège, en qualité d’employé de la maison Gomez, à Badajoz.

Et mon exil avait duré quinze années, pendant lesquelles la situation du professeur s’était sûrement améliorée, à la juger d’après les opérations sensationnelles qu’il avait pratiquées et dont le bruit m’était parvenu jusqu’au fond de l’Estrémadure.

Quant à moi, mes affaires avaient périclité. Au bout de quinze ans, désespérant de jamais vendre en mon nom ceintures de sauvetage et bouchons, je venais de rentrer en France pour y chercher un autre état, quand le sort me procura celui de rentier : c’est moi qui gagnai ce lot d’un million dont le bénéficiaire voulut garder l’incognito.

À Paris, je m’installai confortablement, sans luxe. Mon appartement fut commode et simple. J’eus le nécessaire, plus, toutefois, un automobile, et moins une famille.

Mais avant que d’en fonder une nouvelle, il me sembla correct de renouer avec l’ancienne, c’est-à-dire avec Lerne. Et je lui écrivis.

Ce n’est pas, depuis notre séparation, qu’une correspondance assez suivie ne se fût établie entre nous. Au début, il m’y avait donné de sages conseils et s’était montré gentiment paternel. Sa première lettre contenait même l’annonce d’un testament en ma faveur,