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le docteur lerne, sous-dieu

tarir en de vaines évolutions ? Après tout, il me semblait facile de gagner le château à pied, à travers bois… Je l’entrepris. Mais un grillage, dissimulé dans les buissons, m’empêcha de passer…

À coup sûr ce dédale n’était pas une combinaison machinée par jeu à l’entrée d’un jardin, mais l’ouvrage défensif compliquant à dessein l’abord d’une retraite.

Fort décontenancé, je me pris à réfléchir :

« Lerne, mon oncle, je ne vous comprends plus du tout, pensai-je. Vous avez reçu ce matin l’avis de mon arrivée, et me voici détenu dans la plus fourbe des architectures paysagistes… Quelle idée fantasque vous l’a fait agencer ? Avez-vous donc changé plus encore que je ne le supposais ? Vous n’auriez guère songé à de telles fortifications, il y a quinze ans…

» … Il y a quinze ans, la nuit, sans doute, ressemblait à celle-ci. Le ciel vivait du même scintillement, et déjà les crapauds étoilaient le silence de leurs cris clairs, brefs, purs et doux. Un rossignol roulait les trilles de celui-là. Mon oncle, cette vieille soirée était délicieuse, elle aussi. Cependant ma tante et ma mère venaient de mourir toutes les deux, à huit jours d’intervalle, et, les sœurs disparues, nous restions seuls face à face, l’un veuf, l’autre orphelin, vous, mon oncle, et moi. »

Et l’homme de cette époque vint se camper dans mon souvenir ainsi que Nanthel le connut alors, lui, le chirurgien déjà célèbre à trente-cinq ans pour la dextérité de sa main et le bonheur de son audace, et qui, malgré