Page:Renard - Le Docteur Lerne sous-dieu, 1908.djvu/264

Cette page a été validée par deux contributeurs.
260
le docteur lerne, sous-dieu

— Je sais, dit-il enfin,… palpitations… syncopes… cardiaque…, je me traite.

Cela, non ! le professeur ne se traitait pas. Il brûlait les étapes de la vie à la poursuite de sa chimère, sans plus préserver sa peau qu’une vieille nippe de corvée, bonne à remplacer dès la besogne finie.

Emma lui conseilla :

— Si vous sortiez ? l’air vous ferait du bien…

Il sortit. Nous le vîmes se diriger vers le peuplier en fumant sa pipe. Les coups de cognée redoublaient. L’arbre se pencha, il tombait… Sa chute fit le bruit d’un tremblement de terre. Mon oncle fut cravaché par les branches, — il n’avait pas fait un pas de côté.

À présent, diminué de son campanile naturel, Fonval s’aplatissait plus bas au fond du val, et je cherchai, dans le ciel dévasté, à repérer la place de l’arbre, — oubliée déjà, — et sa hauteur, — déjà légendaire.

Lerne s’en revint. Il ne se doutait même pas d’avoir commis une imprudence. Son étourderie donnait le frisson quand on pensait qu’il pouvait l’apporter dans les expériences les plus hasardées, par exemple ces transfusions d’âme dont parlait le calepin…

Était-ce à l’une de ces tentatives que je venais d’assister ? — J’y méditais avec une sorte d’appréhension, avec ce sentiment bizarre tant de fois ressenti à Fonval et qu’engendre une marche à tâtons dans une obscurité inconnue. — Entre la syncope de Lerne et l’agitation de l’arbre, y avait-il simple coïncidence ? ou