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le docteur lerne, sous-dieu

rentrer. Il avait, m’a-t-il dit, couru dès son retour au laboratoire. Je l’aperçus qui en sortait, vers midi. Sa pâleur me fit de la peine. Une grande tristesse semblait le courber. Il marchait lentement, comme derrière un corbillard. Qu’avait-il appris ? Qu’avait-il fait ? Quel cataclysme avait éclaté sur lui ?

» Je l’interrogeai doucement. Sa parole embarrassée conservait l’accent du pays qu’il venait de quitter : — « Emma, dit-il, je pense que tu m’aimes ? » — « Vous le savez bien, mon cher bienfaiteur, je vous suis dévouée, corps et âme. » — « Le corps m’intéresse uniquement. Te sens-tu capable de m’aimer… d’amour ?… Oh ! fit-il en ricanant, je ne suis plus un jeune homme, mais enfin… »

» Que répondre ? je ne savais. Lerne fronça les sourcils : — « C’est bon ! trancha-t-il, à partir de ce soir, ma chambre sera la tienne ! »

» Je conviens, Nicolas, que cela me parut ainsi plus naturel. Mais je ne soupçonnais guère le Frédéric Lerne ombrageux et emporté qui allait se révéler ! Il s’empara de mes deux mains ; ses yeux étaient surprenants : — « Maintenant, cria-t-il, c’est fini de rire ! — Plus d’amusettes, hein ? Tu es à moi, exclusivement. J’ai très bien démêlé ce qui se passait ici, et que les godelureaux tournaient autour de toi. Je me suis débarrassé de Klotz. Et quant à Doniphan Mac-Bell, méfie-toi ! S’il persévère, son compte est bon ! prends garde ! »