Page:Renard - Le Coureur de filles.djvu/62

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
58
LA MÈCHE DE CHEVEUX

— Mais comment donc ! chère madame.

La lettre que ma bonne amie m’a confiée, il est heureux que je m’en aperçoive, ne porte pas d’adresse. Elle n’est pas cachetée. J’ai la finesse de comprendre qu’il y a là un petit mystère. J’ouvre l’enveloppe, et je distingue au fond, écrasée, roulée en chenille, une mèche de cheveux, une mèche de cheveux pour moi.

Ha !

Je rentre chez moi, et, c’est drôle, je n’éprouve aucune espèce de plaisir ; vraiment, les femmes ont des manies bizarres. Qu’est-ce que je vais faire de cette mèche de cheveux ? Elle est là, devant moi. Je n’ose pas y toucher. Enfin, je vide l’enveloppe sur la table. La mèche est fraîchement coupée, toute neuve, encore végétante, et, comme ma bonne amie n’a pas cru devoir la nouer dans une faveur, les cheveux s’éparpillent sur mon Baudelaire ouvert. Je me rappelle les livres loués aux cabinets de lecture et au-dessus desquels une centaine de lecteurs