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DEUXIÈME PARTIE

LE SEAU


À Eugène Bosdeveix.


Cette nuit, on a crié dans le jardin, et ce matin, vers cinq heures, sûr de la présence du soleil, je saute du lit pour aller voir. Mon père et ma mère dorment encore, ainsi que Françoise, notre bonne, assez paresseuse depuis quelque temps.

Je voudrais me rappeler les cris, ou plus exactement les plaintes, mais je ne suis pas de ces personnes douées, auxquelles il suffit d’entendre un air une fois pour le retenir. Il ne résonne dans ma mémoire que des bruits vagues, légers comme des œufs vides.

Je parcours lentement le jardin et cherche des traces de pas.

Les allées sont trop sèches. De nombreux fils blancs les traversent. Cependant l’une d’elles en a moins que les autres, et ceux qui lui restent semblent avoir été tendus rapidement à la dernière heure.

Je prends cette allée et m’interroge sur l’utilité de tous ces fils.