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LE SORCIER


— Faut-il croire mes yeux ? murmure Éloi frissonnant.

Il les a collés contre la vitre unique d’une petite fenêtre dont les trois autres carreaux sont en papier. Au milieu de son habituelle promenade nocturne, il se trouve arrêté devant la plus pauvre maison du village, et il voit par cette vitre des choses effrayantes.

Un vieil homme misérable, assis au coin de sa cheminée, active le feu, et pousse sous une marmite des fagots volés. Le foyer seul éclaire la chambre. Le vieil homme au visage incendié lève le couvercle de la marmite. Elle est pleine de crapauds. Il en prend un, le tâte et le laisse retomber. Une vapeur noire monte d’un jet et se développe selon la forme des murs nus. D’un sac éventré, d’autres crapauds ont roulé sur le sol battu, aux pieds du vieux. Ils attendent leur tour.

— C’est peut-être le dernier du siècle, pense Éloi ; mais c’est un sorcier. Observons ses pratiques.

De nouveau le vieil homme lève le couvercle, saisit un crapaud, le palpe et cette fois le garde. Mais le crapaud se débat entre les doigts, saute d’une main dans l’autre et tente, pour fuir, des bonds suprêmes.