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LE BEAU BLÉ


Sur la route sèche et sous le soleil brûlant, Tiennot et Baptiste s’en reviennent dans leur voiture à âne. Comme ils passent près d’un champ de blé mûr, Baptiste, qui s’y connaît, dit :

— Le beau blé !

Tiennot, qui conduit, ne dit rien ; il voûte son dos. Baptiste voûte le sien pareillement, et leurs nuques découvertes, insensibles, rôtissent peu à peu, luisent comme des casseroles de cuivre.

Tiennot machinal tire ou secoue les guides. Parfois il lève un bâton et frappe avec vivacité les fesses de l’âne, ainsi qu’une culotte crottée. L’âne ne change pas d’allure ; il penche la tête, sans doute pour voir le jeu de ses sabots qui se déplacent régulièrement l’un après l’autre et ne se trompent jamais. La voiture le suit autant que possible ; une ombre boulotte traîne derrière ; Tiennot et Baptiste se courbent plus bas encore.

Ils traversent des villages qu’on croirait abandonnés à cause de la chaleur. Ils rencontrent des gens rares qui ne font qu’un signe. Ils ferment les yeux aux reflets blancs du chemin.

Pourtant ils arrivent le soir, très tard. On finit