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LA BAGUETTE


Tiennette roule une baguette entre ses doigts, la gratte avec ses ongles, la mord du bout des dents, la déshabille de son écorce. Elle s’avance sur la route et dit aux arbres :

— Vous savez que je me marie aujourd’hui. Sérieusement, je vous assure. Il m’aime, je l’attends.

Elle leur sourit à droite et à gauche, répète déjà la cérémonie.

Or une voix qui part des arbres lui ordonne :

— Ôte ton bonnet, Tiennette.

Elle hésite, regarde les arbres d’où s’échappe un souffle et demande en tremblant :

— Est-ce vous, cette fois ?

— Oui, Tiennette ; ôte ton bonnet.

Confiante, elle jette son bonnet comme elle a jeté les feuilles de sa baguette.

— Ôte ta camisole, Tiennette.

Elle obéit, jette sa camisole comme elle a jeté les menues branches de sa baguette.

— Ôte ta jupe, Tiennette.

Elle en va dénouer d’une main les cordons, mais elle voit dans son autre main la baguette sans écorce,