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IX

Lycénion. — Oh ! nous resterons amis, de loin.

Daphnis. — Amis de faïence. Soyez certaine que je ne dirai jamais de mal de vous.

Lycénion. — Vous êtes trop bon. Si, de mon côté, il m’arrive de vous noircir, ce sera par politique et pour les besoins de ma cause. Me rendez-vous mon portrait ?

Daphnis. — Je le garde.

Lycénion. — Il vaudrait mieux me le laisser ou le déchirer que de le jeter au fond d’une malle.

Daphnis. — Je tiens à le garder, et je dirai : C’est un portrait d’actrice qui était très bien dans une pièce que j’ai vue.

Lycénion. — Et mes lettres ?

Daphnis. — Vos lettres froides de cliente à fournisseur, je les garde aussi. Elles me défendront si on me soupçonne.

X

Daphnis. — Je me vois descendant les marches de l’église avec la petite en blanc. Et je pense — faut-il vous le dire ? — je pense à des histoires de vitriol.

Lycénion. — Ah ! vous me sondez ! Eh bien, mon ami, changez vos idées au plus tôt : elles vous donnent l’air niais. Est-ce assez vilain, un homme qui a peur ? Car vous avez peur, et vous vous tiendrez sur la défensive, le coude levé en parapluie. Ce sera drôle à divertir un saint dans sa niche. Vous