Page:Renard - La Lanterne sourde, Coquecigrues,1906.djvu/216

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

frottent par le bout, se caressent du nez. Je piétine jusqu’à ce qu’ils soient satisfaits, et souvent je remonte.

Jean. — Dehors, n’as-tu pas fréquemment l’envie d’aller d’un trottoir à l’autre ? On est pressé. Il y a un embarras de voitures : tant pis, il faut traverser, la rue tout de suite, se diriger par le plus court chemin vers ce point qui attire, éclate sur le mur d’en face.

Jacques. — Je préfère viser un passant et le devancer en l’effleurant du coude. Oh ! je ne tiens ni aux bossus ni aux jolies femmes. J’ai le bras lourd, et il m’est nécessaire que toute son électricité s’écoule dans le bras d’un autre.

Jean. — Sans doute, une bonne nouvelle inattendue t’attriste.

Jacques. — Je ne la méritais pas et je me défie ; je regarde au delà, et, devant mes yeux, se matérialise la nouvelle qui suivra. Elle a une forme rectangulaire et deux centimètres d’épaisseur. Rugueuse, d’un rouge sombre, elle tombe, tombe ; c’est la tuile. Mais qu’on m’annonce le malheur des autres, j’ai de la peine à contenir dans ma bouche hermétique le rire qui cherche une issue. Ne meurs pas le premier de nous deux, ce serait trop gai. Si le malheur m’atteint, je sautille d’aise, et, dispos, j’irais me faire photographier. Qu’est-ce que tu as ?

Jean. — Rien. Mon petit doigt s’amuse. Il s’abaisse et se relève, à l’exercice. Le voici en haut, le voici en bas. C’est pour sa santé. Une, deux, trois, quatre. Ne compte pas : tu t’embrouillerais. Marque simplement la cadence : une, deux ; une, deux…