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— On s’amuse, hein ! petit ? dit le poète.

Enfin il le met dans son chapeau, croise les jambes, rêveur, vile attendri, regarde se coucher le soleil.

Est-ce beau !

Ses bras s’écartent d’eux-mêmes et nagent vers l’horizon, où fume encore le soleil refroidi.

Cependant le grillon, un moment blotti, quitte la doublure du chapeau, pousse une reconnaissance hardie, explore les ténèbres, quête parmi les touffes de cheveux, enfile des boucles, et, quand il passe aux places dénudées, s’arrête et gratte, par habitude, de toutes ses pattes, pour creuser un trou.

Le poète jouit finement où ça le démange. Il a les yeux pleins de lumière, et, dans son chapeau, une faible petite bête captive qu’il affranchira, tout à l’heure, avec pompe.

Il voudrait parler comme il sent, se réciter des vers inouïs, jeter un cri dont frissonnerait, d’échos en échos, la nature entière. Il peut s’émouvoir, puisqu’il est seul, et que personne ne rira.

Mais soudain le grillon cesse de gratter : Il vient d’entendre quelque chose, et surpris, les antennes droites, il écoute.

Il ne s’est pas trompé :

En dessous, de l’autre côté du plafond, on gratte aussi.

Veine !

C’est l’araignée du poète qui s’éveille et répond.

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