Page:Renard - La Lanterne sourde, Coquecigrues,1906.djvu/190

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

affronts à un honnête homme sans motif. M. Castel m’a donné une poignée de main parce qu’il m’estime. Il refuse de t’embrasser parce qu’il te méprise.

— Quelle idée ! dit Louise ; il se conduit comme un ours, voilà le vrai.

— Monsieur le maire est un homme capable, dit Pierre Coquin. Je devine que tu as une tache. Il le sait et il le prouve.

— Moi une tache ! moi tachée ! Je le défends de me dire des vilains mots. Ton M. Castel est un menteur et toi avec.

— J’aime mieux croire un maire qu’une femme, dit Coquin persifleur. Dans tous les cas, bonsoir. Je me méfie Je n’épouse plus. Je te laisse ; je reviendrai quand M. Castel t’aura embrassée.

— Tu te trompes si tu te figures que je courrai après un homme, dit Louise. Va, file, ça m’est égal.

— Et à moi donc ! dit Pierre qui s’éloigne comme s’il quittait un camarade rencontré sur la route.

Louise se met à pleurer. D’autres qu’elle en ont envie. Personne n’essaie de rappeler Pierre Coquin. On regarde sa veste noire. On regarde la robe de la mariée. À propos de quoi cette veste et cette robe se séparent-elles ainsi tout à coup ?

Un enfant de chœur, sorti de l’église pour dire à la noce qu’elle se presse, ne peut que bâiller. Puis la stupeur qui étouffe les voix et alourdit les gestes se dissipe.

Les bras s’agitent et l’indignation bourdonne de lèvres en lèvres contre l’homme qui déjà, tandis que ses mariés se démarient, est retourné là-haut s’asseoir sur son mur.

Séparateur