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de l’écharpe, lit les paragraphes du Code civil relatifs aux droits et devoirs des époux.

C’est tout ce qu’il avait à dire.

Puis il reçoit la déclaration que Pierre Coquin et Louise Fré consentent à se prendre pour mari et pour femme.

C’est tout ce qu’il veut savoir.

Et comme le marié lui offre la main, il l’effleure du bout d’un doigt, mais, à la stupeur générale, il n’embrasse pas la mariée.

Les yeux baissés, elle n’ose bouger. C’est facile à voir qu’elle espère quelque chose. La raideur du nouveau maire émeut toute la noce. Il ferme le registre et dit :

— On vous attend à l’église.

Ils vont sortir, silencieux, comme d’une maison où quelqu’un vient de trépasser, quand le marié demande :

— Monsieur le maire, pourquoi que vous n’embrassez pas ma Louise ?

Et il ajoute vite, afin de s’enhardir :

— Excusez, on embrasse toujours la mariée ; c’est une habitude du pays. Embrassez-la sur les joues. Vous lui ferez plaisir et à moi aussi et vous nous porterez bonheur.

— Je trouve l’usage inconvenant, dit M. Castel.

— Oh ! ça ne me gêne pas ! dit le marié près de rire.

— Cela me gêne, moi, dit le maire.

— Défunt Monsieur le Comte embrassait nos mariées plutôt deux fois qu’une.

— Précisément, dit le maire.

— Vous êtes donc plus fier que lui ?