Page:Renard - La Lanterne sourde, Coquecigrues,1906.djvu/180

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sance, et en même temps que la sienne, de l’autre côté, la tête de la Gagnarde apparut. Gênées, elles restèrent cependant, sûres d’avoir droit chacune à la moitié du mur. Philippe et Théodule avaient soigné la partie supérieure, et les pierres tassées à grands coups de marteau dans leurs bourrelets de mortier faisaient presque une plate-forme qu’une ligne imaginaire pouvait diviser en deux.

La Morvande eut une nouvelle idée.

Elle installerait là ses pots de fleurs et désormais, au lieu d’une figure renfrognée, elle aurait devant ses yeux des œillets et des roses. C’était une si bonne idée qu’elle plut tout de suite à la Gagnarde et qu’elles apportèrent leur premier pot ensemble.

— Elle est libre ! pensa la Morvande, fière de se voir imiter.

Silencieuses, et, pour commencer, chacune à l’une des extrémités du mur, elles disposaient leurs fleurs, du bout des doigts les tapotaient, comme on fait bouffer une chevelure, et lavaient avec un linge mouillé les feuilles vertes.

Tout à coup, l’un des pots de la Morvande s’échappa et roula vers la Gagnarde qui put l’arrêter à temps.

— Merci, dit la Morvande.

— De rien, dit la Gagnarde.

C’était sec, mais poli.

Elles ne pouvaient placer tous leurs pots au même endroit et le silence s’était refait entre elles, quand deux hautes marguerites se rencontrèrent et enfoncèrent l’une dans l’autre leurs belles têtes boursou-