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DIALOGUE DU JOUR

— Si vous ne pouvez pas vous retenir, faites. Qu’est-ce que vous avez ?

— Ces jours-ci, je sens un roman.

— Délivrez-vous !

— Le travail du roman n’est-il pas agréable ? On reste chez soi. On s’enferme une dizaine de moisj pas plus, puisque les prix sont annuels, et il faut être prêt ! On écrit tranquillement le livre, et, quand le diable y serait, on finit bien par décrocher un de ces prix, avec n’importe quel roman.

— De quelle espèce sera le vôtre ?

— Ça n’est pas les genres qui manquent ! J’ai le choix entre du Balzac, du Daudet, du Zola, du Goncourt, du Mirbeau et même du Bourget. Le Bourget a l’air plus compliqué, à cause des accessoires, mais je connais des receleurs qui vendent jusqu’à des idées générales pour un morceau de pain.

— Vous n’auriez pas quelque chose de personnel ?

— Il faudrait être vraiment dans la purée ! J’ai quelque chose de personnel comme tout le monde : je suis né, j’ai fréquenté l’école primaire, puis le lycée, échoué à des examens, couché avec ma bonne, et je connais un de ces secrets de famille dont vous me direz des nouvelles.