Page:Renard - L’Œil Clair, 1913.djvu/132

Cette page n’a pas encore été corrigée
128
L’ŒIL CLAIR


pas ses plaisanteries préférées. Il ne reniflait pas avec plus de force à mesure qu’on approchait du village et il ne disait pas : " Ça sent la contrée ! "

Verrions-nous notre père très pâle après cette nuit d’angoisse, puis fou de joie dès qu’il apercevrait à l’intérieur de la diligence nos deux têtes chéries ?

Il nous attendait bien sur le pont, à l’entrée du village, et il marchait à grands pas ou tapait du pied ; était-ce d’impatience ou pour se réchauffer ? Nous ne fûmes jamais fixés. Il prit seulement soin d’ôter sa cigarette quand nous nous dressâmes vers sa barbe. Il dit à mon frère qui lui demanda s’il avait reçu une dépêche ;

— C’était bien la peine d’envoyer une dépêche !

Et à moi, qui déclarais que " nous resterions quatre jours ! " il dit, sans qu’il me fût possible de deviner son émotion :

— C’était bien la peine de vous déranger !