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L’ŒIL CLAIR


chevaux, louée par M. Métour. Il portait, comme tous les fermiers, petits ou gros, une lourde peau de bique qui nous tenait chaud. Notre camarade Eusèbe le criblait d’une foule de questions sur les siens, sur les bêtes, sur le jardin et récurie, et les réponses de M. Métour nous faisaient rire : c’était notre façon d’avoir l’air de nous intéresser à des histoires qui ne nous regardaient pas. Le cocher nous fit rire aussi, une seule fois, mais longuement. Comme M. Métour lui demandait par une des glaces mobiles :

— Voulez- vous un cigare ?

Il répondit :

— Oh ! merci, monsieur, la neige ne mouille pas.

Il croyait que M. Métour lui offrait un parapluie. Il n’en fallait pas plus ! La nuit tombante nous calma. La berline roulait sourdement sur la neige épaissie, les roues s’empâtaient. Au bas d’une côte, elle s’arrêta.

— Mes enfants, dit M. Métour, nous allons descendre et pousser.

Ce ne fut pas utile. Eusèbe, mon frère et moi, nous ne comptions guère ; c’est M. Métour, avec son ventre et sa peau de bique, qui chargeait la voiture. Dès qu’il posa le pied à terre elle se