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peut plus appartenir qu’à moi. Je suppose que Monsieur Vernet dise :

— « C’est un garçon un peu pressé ! »

Madame Vernet dira :

— « C’est un misérable ! »

Donne-t-on sa nièce à un misérable qu’on aime peut-être ? Enfin je ne me sens pas du tout mariable. Des transes couleur de rouille s’amoncellent en mon esprit et j’appréhende l’orage. Je frôle des rochers qui portent des noms redoutables. Depuis l’éternité qu’ils sont là, chacune de leur pointe a peut-être troué un ventre de barque. Parfois un choc me déséquilibre, jette ma godille à l’eau. Je mouille mon front, mes tempes, et mon envie se passe de m’égarer sur la mer. J’ai l’œil sur les balises, prêt à virer de bord.

Des mouettes effarouchées s’éparpillent dans l’air comme des papiers.

Je fais des projets et m’arrête à celui dont la banalité me garantit la réussite. Mon bateau, plus léger, retourne au port. Je fouille du plat de ma godille l’eau résistante. Un peu étourdi par le balancement, je me récite des vers, et, n’ayant rien de bon à me dire, je demande à