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cercle et attendent un naufrage. Monsieur et Madame Vilard se réchauffent sous un même peignoir et nous suivent d’un regard de langueur. Enfin titubant, comme empêtré d’ouate, j’entraîne Marguerite, et nous nous sauvons à notre cabine.

Contigus, nos deux compartiments communiquent par le haut. Grelottant de fièvre plus que de froid, les dents chantantes, je veux, à la force des poignets, me hisser pour voir. Mais mon front dépasse à peine les planches de séparation que Marguerite crie :

— « Ne me regardez pas, vous savez, vous ! »

Encore ! Quelle petite bête ! Je saute sur le plancher, j’ouvre violemment la porte, et avec un balai de varech, je rassemble soigneusement, en tas, le gravier épars dans ma cabine, et je le pousse dehors, sans hâte, très calme, tout à ce que je fais. J’espère donner le change.

Rhabillés, nous nous couchons sur le sable. Le spectacle est terminé. C’est l’instant où les costumes tordus pleurent toutes les larmes de leurs corps. Des mains jonglent, jouent aux osselets avec des pierres polies. Les corps s’imprègnent de soleil et de paresse. Tout à l’heure, le sang