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Il plaisante, infernal, nous remercie de donner aux poissons, d’économiser chez le pharmacien. D’un bord à l’autre, entre deux nausées, nous nous demandons de nos nouvelles, ces dames et moi.

— « Ce n’est rien, cela va mieux : quand c’est fini ! »

— « Ça recommence ! » dit Monsieur Vernet, qui interrompt nos condoléances, jouit de notre mal comme d’une haine satisfaite, et crie à tue-tête :

C’ n’est pas la laine que je veux !
C’est votre cœur, ma belle ! lon laine, lon la !

Il s’arrête, tousse, crache, dit : « J’ai avalé de travers ! », et prend ses dispositions à côté du pêcheur Cruz, le buste hors du bateau, la figure fouettée d’embrun au choc des lames, prêt à tomber, bon à noyer.

C’est la débâcle des estomacs. Le bateau bondit, se cabre. D’un coup de barre, Cruz donne debout dans une vague qui retombe en pluie fine, mordante, acidulée et bénit notre agonie.

Le bateau conduit à leur dernière demeure des moribonds ramassés çà et là. Nous roulons