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— « Si on nous entendait ! »

En effet, je perds toute prudence. Madame Vernet me rationne. Elle fixe, chaque matin, à son lever, ce qu’elle m’accordera dans la journée. Elle ne veut pas encore que je la tutoie.

— « C’est trop tôt. Plus tard. Nous verrons. »

D’un naturel temporiseur, elle marche sur de la glace craquante.

HENRI

Mais vous, au moins, tutoyez-moi. Cela me serait si doux !

Elle prend une demi-mesure. Le « tu » et le « vous » disparaissent autant que possible de ses phrases. Je ne sais plus à qui elle s’adresse.

Quand je cherche ses lèvres, elle me donne sa joue et prétend que c’est la même chose, que c’est aussi bon, et s’en va, me laissant interdit, mes bras déployés. Ma bouche, vainement tendue, rentre en elle-même.

MADAME VERNET

Ce sera gentil de nous aimer ainsi.