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paletot. Gras et lourd, il enjambait les échaliers, péniblement, en soulevant sa cuisse ou ses guêtres avec la main. Quand il mettait le pied dans une ornière, ou dans le creux d’un sabot de bœuf, des aiguilles de glace se brisaient avec un grésillement agaçant pour ses dents. Sur toute la rivière se répercutait l’écho des craquements sonores. Le canard se cachait derrière une touffe de joncs, un saule, une pile de bois carrée comme une table où la neige aurait mis une nappe, réapparaissait et s’évanouissait encore au plus épais des flocons, toujours loin du bord.

Du coin de l’œil, M. Mignan observait Levraut qui maintenait son allure indifférente, la queue basse, comme un chien de luxe à bouche inutile. Tantôt il souhaitait de le tenir là, entre ses deux genoux, et de lui donner des coups de poing sur la tête, sans compter, et sans pitié pour ses hurlements, les cloches du village voisin dussent-elles s’en ébranler ; tantôt il soufflait fortement et son haleine fumeuse lui rappelait d’étonnantes histoires, où, sous l’action du