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BUCOLIQUES


prés fauchés, les travailleurs vont et viennent obstinément.

Il n’y a pas de route « carrossable ». Il faut rentrer le foin à dos d’homme. Le porteur descend de la ferme avec son crochet. Les femmes le chargent et peignent son foin au râteau, de peur du gaspillage. Il remonte à la ferme, courbé, enfoui ; ses jambes seules dépassent. Il suit le chemin étroit et raide, où çà et là une pierre le cale. Parfois il hésite à une rigole d’eau courante et ses jambes s’écartent un peu plus. Sa meule de foin l’étouffé et le tire en arrière. Il s’acharne et la sauve d’une pluie prochaine.

C’est la prairie qui grimpe.

Comme tu te trouves bien !

Au bout du toit de la grange un pinson répète par intervalles égaux sa note héréditaire. À force de le regarder, l’œil trouble ne le distingue plus de la grange massive. Toute la vie de ces pierres, de ce foin, de ces poutres et de ces tuiles s’échappe par un bec d’oiseau. Ou plutôt la grange même siffle un petit air.