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incroyables à l’École Normale. On en viendra bientôt aux billets d’orthodoxie, délivrés par l’aumônier. On s’y confit de dévotion, disait devant moi M. Egger, et cela uniquement à cause d’un ministre qui veut paraître dévot. Une prompte réaction est, il est vrai, inévitable ; mais elle sera également fâcheuse et confondra bien des choses. Dans le moment actuel, tout cela ne peut, il est vrai, me porter aucun préjudice ; mais s’il s’agissait d’arriver plus haut, cette considération serait capitale. Attendons, bonne amie ; pour ce qui ne dépend point de nous, la patience est le seul parti raisonnable. Je suis du reste entièrement résolu à n’afficher aucun parti, et à n’attendre mon succès du triomphe d’aucun d’eux. Je ne demande que la liberté d’énoncer mes idées et leur appréciation impartiale.

J’ai reçu, il y a quelques jours, une lettre de notre mère, ou elle semblait exprimer le désir que je lui fisse quelque envoi d’argent. J’ai promis, bonne amie, de ne le point faire sans t’en parler, et j’y tiendrai ferme. Mais quand ce sera entendu entre toi, Alain et moi, il n’y aura, je crois, à cela nul inconvénient. Ce que fera l’un, l’autre le saura et le tieudra pour fait par lui-même. J’en écrirai aussi à Alain, et j’attendrai votre réponse à tous deux avant de rien faire. Mais par-dessus tout, ne dis pas un mot de tout ceci a maman.

Adieu, très chère amie, ta pensée me soutient et me fait attacher du prix au succès et le désirer.