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Ernest, il n’en saurait être autrement ; dès le premier jour, le médecin m’a dit que ceci serait très long, que je serais très heureuse si je n’en avais que pour plusieurs mois. Je te le demande en grâce, mon bon se, calme un peu les craintes de ton excellent cœur, retourne à Paris, finis tes affaires avec quelque repos d’esprit, tu viendras ensuite me rejoindre à Berlin, soit à la fin de juillet, soit au commencement d’août, suivant le temps et les circonstances. Ne te tourmente pas, je t’en conjure ; le seul mauvais symptôme que je conserve, c’est l’impossibilité de parler, ou plutôt la douleur que j’éprouve en prononçant toute parole, car je n’ai pas du tout la voix couverte. Sur tous les autres points, le mieux est arrivé presque au bien. Je n’ai plus dans la gorge ces lésions qui m’ont fait tant souffrir, et d’où s’échappait le sang que j’ai craché ; ma langue, qui était horrible, redevient ce qu’elle doit être, a tous les jours meilleur aspect. Je n’ai plus de fièvre, d’insomnies, et je ne retrouve que rarement de ces heures d’accablement général qui m’ont tant fatiguée. Je t’assure, mon Ernest, que je suis en bonne voie, qu’en totalité je me trouve beaucoup mieux, et que si j’attends, ce n’est que pour consolider ce mieux avant de me mettre en voyage. Tranquillise-toi donc, je t’en supplie ; je te dis la vérité entière et je t’assure que maintenant cette vérité n’a plus rien d’effrayant.

Il parait, cher ami, que les courriers sont plus longtemps à venir de Venise à Varsovie qu’à faire