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horizon, qui convient bien à cette ville sépulcrale. Ravenne était, après Assise, ma seconde fantaisie. Je l’ai satisfaite. Je ne crois pas qu’il y ait de ville au monde qui conserve aussi vive dans ses monuments la physionomie d’une époque. On se croit à Constantinople, au temps de Justinien ; on croit voir Placidie, Théodoric, Justinien, Théodora, dans ces précieuses mosaïques où ils vivent encore. J’ai trouve là une charmante hospitalité, comme on n’en trouve que dans ces parages reculés. Une lettre qu’on m’avait donnée pour le marquis Cavalli, et dont je n’attendais que le banal effet de ces sortes de recommandations, m’a valu des attentions, des soins qu’on ne peut imaginer. Cet excellent homme est en possession de patronner tous les étrangers un peu distingués qui visitent ce pays. Il voulut tout d’abord me faire descendre chez lui, et j’ai vu ensuite qu’il eut été de meilleur goût d’accepter. Je dînais tous les jours chez lui à la place qu’occupait lord Byron, qui du reste, dit la chronique, y était attiré par d’autres charmes que par ceux du mari. Nous avons fait de charmantes excursions en voiture dans la Pineta et dans les environs si curieux de Ravenne. Tout cela m’a bien attardé ; j’y suis resté cinq jours. La bibliothèque m’a beaucoup fourni, et puis j’avoue que j’avais besoin de me restaurer un peu. Je me suis oublié à causer, adieu, chère amie.

E. R.