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nisme, et qui faisait dire à Dante, interprète de l’enthousiasme de son siècle : « Ici est né un soleil, comme autrefois cet autre sortit du Gange. Que celui qui veut donner à ce lieu son véritable nom, ne l’appelle point Assise, mais qu’il l’appelle Orient ! » Il m’a fallu voir deux fois ce lieu admirable. Une première visite avec mes artistes ne m’avait pas satisfait. Revenant de Pérouse, j’ai laissé ma malle me devancer à Foligno, et quittant la voiture à Santa-Maria degli Angeli près de là, j’ai gravi à pied l’illustre montagne, ne portant avec moi que mes papiers toujours suspendus à mon cou, et lisant le onzième chant du Paradis, le poème de ce lieu :


Intra Tupine et l’acqua che discende
Del colle eletto del beato Ubaldo
Fertile costa d’alto monte s’appende
Onde Perugia sente freddo e caldo.


J’ai passé là un jour délicieux : on n’a rien vu en Italie, si on n’a pas vu Assise. Pérouse aussi m’a beaucoup appris. L’Ombrie est trop négligée : elle a sa physionomie à part, son développement original : plus artiste encore que la Toscane, elle n’a ni sa puissante activité ni sa tendance rationaliste. On ne peut, d’ailleurs, bien comprendre les origines de l’école romaine que là. Malheureusement cette belle région du développement italien a été indignement dépouillée, on retrouve à chaque pas la place d’un tableau de Raphaël, du Pérugin, de l’Ingegno, enlevé par