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à mes terreurs ! Une seule résolution était à prendre ; partir le plus tôt possible pour Venise, pour y lire tes propres lettres et attendre tes ordres. Cette résolution, je l’ai prise, Bologne et Ferrare n’auront de moi que quelques regards. O mon Henriette, qu’il m’est cruel de mener cette vie errante et indécise, au moment même où la fixité nous serait le plus nécessaire ! Mais enfin, voici qui est bien arrêté : Venise sera notre point fixe ; j’y attendrai tes instructions définitives, et tu m’y écriras jusqu’au jour précis que nous aurons déterminé.

Ainsi donc, ma bonne et douce amie, le grand point est arrêté, toute argumentation est désormais heureusement inutile : tu rentreras avant l’automne, nous en avons ta promesse. Qui aurait dit que cette bienheureuse nouvelle, tant sollicitée, serait pour moi une cruelle peine, à raison du douloureux motif qui l’a déterminée ? Et pourtant telle était la situation pénible et toujours douteuse que nous créait cette incertitude qu’au milieu de l’irrémédiable inquiétude que je ressens et qui me poursuivra jusqu’au jour où j’aurai sur ta santé des nouvelles positives, je ne puis nier qu’il ne s’y mêle un sentiment de joie et de sécurité. Le champ de nos délibérations est maintenant plus délimité. De Venise irai-je te rejoindre à Berlin ou à Breslau ? ou bien préféreras-tu attendre quelques mois, jusqu’à ton parfait rétablissement ? Sur ce point, je le répète, chère amie, tu n’as qu’à commander. J’ai toujours