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séjour, elles sont l’objet de mes perpétuelles réflexions, et je ne puis tarder, chère amie, à te communiquer ma pensée sur les divers points que tu y touches.

En ce qui concerne M. Gaugain, chère amie, j’avais bien des fois remarqué une étrange divergence entre sa manière de parler et d’écrire à notre mère, et ce que nous nous sommes mille fois répété l’un à l’autre. Je l’avais dit à maman et à Alain, qui en paraissaient parfois surpris, et je leur avais fait comprendre qu’il y avait là-dessous un malentendu, ou une interprétation fausse de tes paroles. Tout ce que tu me racontes m’étonne, en me montrant que les singulières prétentions de M. Gaugain allaient beaucoup au delà de ce que je pensais, et me prouve plus que jamais que j’avais bien auguré de ton bon sens et de ton cœur. Merci, mille fois merci, chère Henriette, d’avoir pensé à moi. Assurément, je ne t’ai jamais fait l’injure de croire que de tels projets eussent un moment arrêté ta pensée ; ton esprit me l’aurait garanti, quand même ton cœur ne m’eût pas rassuré. Mais qu’il m’a été doux, bonne Henriette, de voir mon souvenir se mêler à ta résolution, de t’entendre prononcer mon nom comme une objection à tout autre projet que celui de notre réunion ! Pourquoi suis-je obligé de te combattre, chère Henriette, dans les difficultés que tu élèves contre ce retour ? Non, en vérité je ne puis donner les mains, à aucune des considérations que tu m’adresses à cet égard.