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de Rome. Le troisième étage, qui s’élève derrière le monastère, et borne la vue du côté du nord, est à peu près inaccessible. Il est couvert de sapins ; au-dessus s’élève le dernier pic, couvert de neige. Tout cela, chère amie, fait un ensemble admirable ; mais le vrai charme de ce paysage est dans la vue superbe qui se déploie du côté du sud et du couchant. Une plaine admirable, traversée dans tous les sons par les innombrables canaux du Liris et du Garigliano. À droite, la grande chaîne des Apennins, toute couverte de neiges, formée de roches primitives, aux formes bizarres et fantastiques. Devant, une chaîne secondaire, qui en se prolongeant à l’ouest, va former le promontoire de Gaëte, et se relie à une autre ramification qui fait la limite des États de Naples et de l’Église. L’horizon se trouve ainsi encadré d’une manière admirable : au pied de la montagne est serrée la ville de Saint-Germano ; à côté l’amphithéâtre de l’ancienne ville romaine d’où le mont a pris son nom, et la célèbre villa de Varron.

La première fois qu’on monte la rampe rapide qui, en serpentant sur les flancs de la montagne, conduit au monastère, l’impression est immense : mais l’incomparable variété d’aspect dont on jouit en prolongeant son séjour sur ces montagnes dépasse toute imagination. Le matin, toutes les vallées sont couvertes d’épais nuages dont on voit la surface supérieure inégale comme celle d’une mer agitée : on ne voit alors que le sommet des