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conscience et le dur martyre de ceux que le sort a doués de nobles aspirations au milieu d’un peuple avili. Grâce à l’influence de quelques hommes d’élite, grâce surtout à de studieuses habitudes et à la grande culture intellectuelle qui a toujours distingué l’ordre des Bénédictins, l’antique abbaye qui fut le berceau de la vie monastique en Occident et qui resta si longtemps un des refuges de la science et de la civilisation est redevenue, dans ces dernières années, un centre d’études, de patriotisme et de noble sentir. Les doctrines qui dernièrement ont été condamnées sous le nom de Rosmini, de Gioherti, de Ventura avaient envahi toute l’école et avaient un de leurs plus brillants organes dans le P. Tosti, l’auteur de la Lega Lombarda, de la vie de Boniface VII, du Salterio del Pellegrino, du Veggente del Secolo XIX, espèce de Lamennais italien, dont la poétique imagination avait exercé sur tout ce monde monastique une véritable fascination. Le Mont-Cassin n’a jamais eu dans le courant de sa longue histoire de plus beaux jours que les premiers mois de Pie IX, alors que toute l’Italie s’ouvrait si naïvement à ses mystiques élans de patriotisme et de liberté, Rosmini, le père de l’abbaye selon l’esprit, s’approchait de Rome pour recevoir le chapeau et les fonctions de secrétaire d’État ; Tosti ne quittait pas Pie IX, qui ne l’appelait que le prophète, à cause de son Veggente ; Pie IX lui-même, après le funeste assassinat de Rossi, songeait à se conformer à la bulle de Victor III, en vertu de