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et que d’ailleurs la route que tu devrais parcourir seule s’en trouverait abrégée. Toutefois je laisse cela à ton arbitrage. Toi seule aussi peux fixer la date précise de notre bonheur ; il me semble toutefois que tu ne peux le retarder au delà du mois d’avril ou mai. Nous parcourrons ensemble après notre réunion les villes de la Lombardie et du Piémont, où j’aurai à faire quelque séjour. Daremberg m’aura certainement quitté à cette époque. Il n’achèvera pas ses six mois ; ses affaires et plus encore madame Daremberg le rappellent instamment. Nous nous dirons probablement adieu à Florence. Il est impossible, ma chère amie, que tu m’objectes contre ce retour tes engagements avec le comte ; car à une époque aussi avancée de l’année, il ne s’agira plus que de quelques mois plus tôt ou plus tard, et s’il est raisonnable, il ne peut manquer de comprendre que l’occasion de mon voyage est plus que suffisante pour expliquer ce départ un peu anticipé.

J’aurai bien besoin de toi, chère amie, et je n’augure pas bien du temps que je passerai seul en ce pays. Durant les premières semaines de mon séjour, la grande excitation produite par le spectacle de cette vie nouvelle suffit à m’entretenir sur un diapason fort élevé. J’ai produit eu ces premiers jours plus que je n’eusse fait en une année. Puis il s’est fait en moi une réaction singulière ; j’ai eu des jours désagréables, je me suis trouvé comme épuisé d’intelligence, incapable de produire. Cela s’explique en ce pays,