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Que tu es bon, mon Ernest, de penser a ta vieille sœur au milieu des douces jouissances que Rome fait naître et que tu sais si bien goûter ! En remarquant chaque jour combien il est difficile aux affections de la jeunesse de se reporter vers ceux qui sont plus loin dans la vie, je ressens pour toi, mon bien cher ami, une profonde reconnaissance, si toutefois il est quelque sentiment qui puisse s’adjoindre à ceux que je l’ai depuis longtemps consacrés. Au nom de tout ce qui t’est cher, conserve-toi, préserve-toi, garantis-toi  ! Comprends-tu mes angoisses quand tu es l’objet de mes craintes ? Ces assassinats qui frappent à Rome nos compatriotes, le choléra qui est arrivé jusque sous ce beau ciel, me font frissonner, jettent une épine cruelle dans le bonheur que me donne ton beau voyage. Par pitié pour moi, ne t’expose point la nuit dans des rues peu fréquentées, prends tous les soins possibles contre cet affreux choléra. Je tremble en me rappelant qu’il fut d’une extrême violence a Naples, en 1833, et en pensant que tu l’y rencontreras peut-être encore. Voilà près d’une année que je te vois sans cesse entouré de cette horrible maladie. Les derniers journaux que j’ai vus disaient que quelques cas en avaient paru à Civita-Vecchia. Que je vais attendre longtemps une nouvelle lettre, très cher ami ! Enfin, je te promets d’être raisonnable, de ne pas me tourmenter outre mesure. — Je réclame un souvenir lorsque tu parcourras la Voie Appienne, dans les catacombes de Saint-