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Capitole, mais un peu plus haut. Ces colonnes qui depuis deux mille cinq cents ans élèvent vers le ciel le pensée religieuse de l’humanité, sont saintes à mes yeux. Et puis de cette terrasse, il y e une vue délicieuse, sur toute le ville et les collines qui ceignent le Transtévère. De là, je vais par divers détours aborder au pont Sixte, et en remontant le Longaretta et le Longara j’arrive sur les dix heures au Vatican. J’y reste jusqu’à trois heures environ, puis je fais une promenade de fantaisie jusqu’au coucher du soleil. J’ai toujours soin de me trouver à ce moment admirable sur une des collines si délicieuses le soir, le plus souvent, à Saint-Pierre in Montorio, ou à Saint-Onufre, d’où l’on voit les teintes incomparables de l’Apennin à l’horizon. Nous avons eu jusqu’ici un temps admirable ; comme la plus belle merveille de ce pays, c’est le ciel et la nature, je croirais commettre un sacrilège en leur dérobant un moment : je n’ai encore vu attentivement que peu d’intérieurs ; je les réserve pour las pluies : j’ai commencé aujourd’hui par la galerie du palais Corsini, qui m’a fait tomber d’admiration. Oh ! mon Henriette, que je comprends bien l’Italie ! Que je l’aime ! Que ne t’ai-je ici à côté de moi  ! Que ne puis-je t’interroger sur nos propres sentiments, éclairer mes sensations par les tiennes ! Je ne puis le dire à quel point je vis avec toi ; je suppose toujours, et cela quelquefois avec une réalité presque enfantine, que tu as avec moi, que nous causons ensemble, que je t’exprime ce que je pense, ce qui m’excite