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tant d’autres villes, villages, châteaux, ruines, tous empreints d’une indicible physionomie. Toute la littérature gallo-romaine, toute la poésie des chansons de gestes à passé là sous mes yeux. Le Comtat, et surtout Avignon où je suis resté un jour, m’ont encore plus vivement frappé. Cette jolie petite ville avec ses petits remparts ciselés, ses clochers en miniature, ses cailloux, son château papal, ses chapelles italiennes, sa population mobile, ardente, ses lazzaronis, populace de l’absolutisme et des prêtres, est encore à très peu de chose près ce qu’elle était il y a un demi-siècle sous le régime pontifical[1] ; elle est sous ce rapport d’un ravissant intérêt. Tarascon et Beaucaire achèvent cette curieuse physionomie, parfaitement dessinée en architecture, costumes, mœurs, églises, ton général du pays. Montpellier où nous avons passé deux jours de très agréable séjour, grâce à Benjamin Moullec et aux professeurs de la faculté qui nous ont fait un excellent accueil, Montpellier représente éminemment une ville du Midi, blanche, neuve, éternellement jeune, architecture gracieuse et facile, mais n’a pas de Caractère individuel.

Nîmes m’a plu infiniment. Je ne connaissais encore aucun reste insigne d’antiquités romaines. Nous sommes ridicules dans le Nord par notre culte pour quelques brimborions insignifiants, qui ne disent rien, n’expriment rien et n’ont d’autre

  1. On sait que le Comtat et Avignon ne furent réunis à la France que par le traité de Tolentino en 1797.