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MADEMOISELLE RENAN
chez M. le comte André Zamoyski, Nouveau-Monde, Varsovie, Pologne.


Lyon, 19 octobre 1849.

Je quitterai donc la France, mon amie bien-aimée, sans avoir reçu une lettre de toi. Je ne puis te dire combien cette privation m’est sensible, et quelle amertume elle jette sur ce départ. Quand je calcule les jours nécessaires à l’échange de nos lettres, bien assuré que je suis que tu n’as pu mettre de retard à me répondre, je ne puis m’empêcher de concevoir quelque inquiétude. Une lettre de mademoiselle Catry nous a appris que tu étais encore malade au moment de ton départ. Tout cela m’alarme, chère amie, d’autant plus que Dieu sait maintenant quand je recevrai une lettre de toi au milieu de cette vie nomade que je vais mener durant quelques mois.

J’avais d’abord résolu de t’écrire le dernier soir de mon séjour à Paris. Les embarras de départ qui déjouent toujours un peu les prévisions, m’en ont empêché, et je me suis réservé ce plaisir pour la soirée que j’aurais à passer à Lyon. Jusqu’au dernier moment, toutes nos démarches relatives à ce voyage ont continué à réussir à souhait. Je n’aurais osé m’attendre à tant de marques de considération et à des égards si délicats de la part des personnes de l’Institut et du ministère à qui