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C’est un ton de morale, de vertu, une manière sérieuse de prendre la vie, qui m’enchante et pénètre mon idéal. M. Garnier l’égale presque sous ce rapport : c’est le type de l’honnête homme ; mais quelle différence pour la portée intellectuelle ! Je commence demain la rédaction définitive de mon opuscule. Je suis plein de vie et d’espérance à cet égard  ; je le tiens et le possède très fortement, je veux que ce premier essai me représente tout entier. Ce sera fini dans six semaines. Ne t’inquiète pas des fonds, chère amie ; supposé que je fasse les frais de la publication, j’aurai un recours direct sur les deux mille francs de l’Institut, auxquels je n’ai pas encore touché pour mes frais courants. Mes finances sont cette année dans un état très satisfaisant. Je suis toujours au-dessus de mes affaires, et il m’est dû, soit pour répétitions, soit pour rédaction au Journal de l’Instruction Publique, beaucoup plus que je ne dépenserai jusqu’à la fin de l’année. Resteront donc en dehors des comptes les six cents francs de l’agrégation sans compter l’action de la Liberté de Penser sur laquelle je spécule tout à fait peu ; car je crois que les bénéfices à partager seront très minces.

Plus je vais, chère amie, plus je reconnais l’absolue nécessité de rester à Paris à tout prix. Eh bien ! je t’affirme qu’une voie un peu exceptionnelle comme celle que je vais m’ouvrir par ce petit essai est un meilleur moyen que l’emploi exclusif de moyens légaux et officiels. Le cercle