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subordonnée, si, dis-je, cette différence méritait que nous nous fissions de la peine à cinq cents lieues de distance, il faudrait que le démon de la dispute eût de merveilleuses subtilités. Quant à la question politique, au jugement sur les hommes de février, je t’ai dit mille fois que je te les abandonne. Si cela pouvait te faire plaisir, je taperait sur eux encore plus fort que tu ne le fais toi-même. Je n’ai rien à faire avec ces gens-là. Tu te rappelles que l’an dernier, à pareille époque, je n’étais guère de bonne humeur. Si ensuite je me suis radouci, c’est quand j’ai vu l’abominable machiavélisme du parti Thiers, et cette apostasie sans exemple de toutes les idées libérales. Et je maintiens par exemple que ce triste gouvernement n’eût jamais commis une escobarderie comme celle du 20 janvier : supposer une conspiration, et pour y faire croire, opérer de nombreuses arrestations, et cela pour intimider la Chambre et rendre odieux le parti républicain. Puis refuser toute explication, sous prétexte que la justice est saisie, qu’il faut s’adresser à la justice. Puis la justice déclare non lieu sur tous les prévenus. Et ceux qui font cela sont des honnêtes gens ; et ces pauvres malotrus qui n’ont eu d’autres torts que de ne pouvoir et de ne savoir rien faire, sont traités de profonds scélérats. Je le répète, comme je n’ai rien de commun avec eux, cela me touche peu, toutefois ces curieuses injustices de partis me font beaucoup rire. Et pour te le dire franchement, un passage de ta lettre me laisse incrédule ; c’est