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certes pour rassurer mon cœur, qui n’a pas douté un instant du tien, mais pour entendre de toi-même ce mot qui était devenu pour moi un si impérieux besoin : Eh bien ! oui, il y a eu un malentendu. Cela une fois dit, excellente sœur, n’insistons plus sur ce singulier débat, qui n’aurait pas dû commencer entre nous. J’avais bien raison de te dire qu’au fond nous étions d’accord, et ta dernière lettre est venue me le prouver. J’y souscrirais comme à ma profession de foi, et, à part quelques très légères dissidences sur la manière d’envisager certains faits, je prétends bien n’avoir jamais dit autre chose. Que disais-je en effet : J’adopte les principes théoriques du socialisme (solidarité de tous dans la production, et droit d’intervention de l’État entre le travail et le capital) ; je crois qu’ils renferment pour l’avenir le germe d’une amélioration pour l’état de l’humanité ; mais je maudis les excès, les exagérations, les tentatives d’application de doctrines qui ne sont pas mûres ; je déteste quelques-uns des prétendus apôtres de la doctrine nouvelle et pour d’autres, je les respecte, sans être leur disciple aveugle. Et toi : Je maudis le socialisme, à cause des excès qu’on a voulu en déduire pratiquement ; toutefois je reconnais que quand on aura séparé le bon grain de l’ivraie, il en résultera un bien incontestable. En vérité, si la différence qui sépare ces deux énoncés, différence qui est toute, ce me semble, en ce que l’un met en phrase principale ce que l’autre met en phrase