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que j’ai avec eux quelque solidarité. Or ne t’ai-je pas mille fois répété que je n’avais nulle sympathie pour ces hommes, que je n’envisagerais jamais la question sous ce côté ? Les questions de principe m’occupent seules, je n’ai pas le temps de m’occuper de ces misérables personnes. Il n’y a que Lamartine auquel je tienne, parce qu’il est la personnification de mon idéal.


Paris, Dimanche 28.

Je relis encore ta lettre, ma bonne amie, chacune de ces lignes demanderait de ma part une page de réponse. Mais voici encore quelques passages que tu vas me permettre aussi de te citer il toi-même. « S’il m’a plu de placer en autrui le but de toutes mes espérances, de faire de toi le centre de ma vie, cette douce et si chère imprudence ne t’engage à rien… » et ailleurs tu reviens à diverses reprises sur ces espérances déçues, cette confiance trompée. — Mais tu as donc résolu de me percer le cœur !… Mon exégèse, chère amie, n’est pas aussi sévère que la tienne. Je veux interpréter ces paroles, et suppléer de mon cœur à ce que ne dit pas la lettre. Je suis convaincu que tu n’as pu douter un instant de mon amitié, je dirai mieux, de ma probité. Car que serais-je si je t’étais infidèle !… Non, tu n’as pu le penser. Tu as voulu dire sans doute que tu n’espères plus entre nous deux une pleine harmonie intellectuelle. Eh bien ! cette