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à l’autre n’est presque qu’un manifeste en sa faveur et une diatribe contre l’autre, et dont on s’est en effet emparé comme d’une manœuvre électorale, en en reproduisant à cinq cent mille exemplaires la partie politique. J’ai vu hier soir Jules Simon, qui est engagé à tel point que je ne voudrais pas pour mon honneur l’être autant. Aussi est'il dans des transes pour le résultat du grand duel qui doit se livrer demain. C’est un vrai fanatisme cavaignaquiste, que je ne partage pas, bien que je sois pleinement et complètement pour lui, puisqu’il n’y en a pas d’autre à opposer à l’idiot. Avouons toutefois que celui-ci a les plus grandes chances. Il a pour lui les paysans, les portiers, et, ce qui est plus capital, les orgues de Barbarie, qui le jouent sur tous les airs. Ces innocents instruments sont devenus les grands agents électoraux du nouveau système. Un homme qui a pour lui tous les chanteurs en plein vent d’un pays ne peut manquer d’être élu.

Rien du reste de nouveau dans mes affaires. Je n’ai pu encore revoir M. Cousin. Il a été gravement malade, et maintenant, quoique à peine rétabli, il préside le concours d’agrégation pour les facultés. Ce concours est bien faible, nous faisions aussi bien que cela. Aucun rapport sur les concours d’août ne sera publié cette année ; j’ignore absolument pourquoi.

Adieu, excellente amie ; conserve-moi cette précieuse affection qui fait le charme de ma vie,