Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/249

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que je relis ta lettre, que verser des larmes de joie, que remercier Dieu des dons qu’il t’a accordés, que t’adresser intérieurement tout ce que la tendresse la plus vive peut inspirer en satisfaction et presque en reconnaissance. Ah ! mon ami, ne te récrie pas à ce dernier mot : laisse-moi croire que souvent mon souvenir t’a animé dans tes cruelles angoisses, laisse-moi me dire qu’il t’a aidé à les soutenir et à les vaincre, laisse-moi par conséquent te parler de gratitude pour ton courage et tes affectueux efforts… Quels travaux, quelle persévérance ! mais aussi quelle réussite, quelle moisson ! — Ernest, mon frère chéri, que ne puis-je te voir dans de pareils instants ! que ne peux-tu lire dans tout mon être ce que je ne saurais rendre ici, l’impression de bonheur qui m’agite, et qui te ferait certainement du bien si tu en pouvais comprendre l’étendue !… Ah ! que le ciel place dans ta vie de pareils dédommagements ! Il me semble que c’est aujourd’hui la meilleure prière que je puisse lui adresser. Que notre vieille mère va être heureuse ! — Jouis, mon Ernest, jouis pleinement de ces joies que tu nous donnes, car elles sont bien réelles ; elles sont, sois-on sûr, bien senties. — Depuis que je savais le concours ouvert, un tel poids m’oppressait en prévoyant tes fatigues et tes craintes, que je faisais des vœux continuels pour en voir arriver le terme, pour en connaître le résultat, quel qu’il pût être. Juge par là ce que je ressens en voyant tout terminé plus tôt