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j’ai reçu les félicitations les moins suspectes de personnes qui pour la plupart ne me connaissaient pas. Une tirade demi-railleuse contre les partis qui exploitent à leur profil la Providence, qui veulent que Dieu ait aussi un drapeau et une cocarde, et font de leurs favoris des Joas et des Dieudonné, m’a valu de nombreux bravos. Enfin, chère amie, tous les juges du concours que j’ai entretenus, M. Jacques surtout, M. Ozaneaux lui-même m’ont exprimé la plus haute satisfaction. Cette épreuve, la plus importante de toutes, et où j’ai ou une très grande supériorité sur tous les autres candidats, a décidé ma primauté définitive. J’en suis moins touché, je te l’assure, que de la conscience de ce que j’ai fait ; car cette leçon m’est chère au cœur, et c’est ce que j’ai fait de mieux dans ma vie.

Voilà donc terminées à ma plus grande satisfaction, excellente sœur, ces épreuves qui me préoccupaient depuis si longtemps. Je n’ai réellement qu’à me louer de M. Ozaneaux ; ce n’est certes pas un génie, mais c’est un bon homme, dans toute la force de l’expression. Je l’ai vu longuement ce matin. Il ne voit rien au delà du professorat, et m’a fortement dissuadé de rester a Paris. Il m’a promis tout son appui (qui est grand en qualité d’inspecteur général) pour une place de province. C’est là maintenant la grande affaire. Je vais à l’heure même voir M. Soulice, puis tout mon monde. En qualité de premier, j’aurai le choix des places vacantes. Que faire !